La Loire monumentale

Une fois la pointe de Paimboeuf franchie, une porte s'ouvre sur l'océan. L'ambiance devient subitement maritime, l'eau de la Loire se teinte des reflets métalliques de l'océan ; l'air est nettement chargé d'embruns. Le paysage devient monumental : l'espace fluvial s'élargit tant que le pont de Saint Nazaire peine à l'enjamber. Il doit projeter son tablier vers le ciel pour réussir à atteindre l'autre berge sans entraver le va et vient des cargos. C'est véritablement à cette échelle du transport maritime que ce paysage est taillé. Les grues alignées sur les quais pointent leur bras articulé au dessus de l'horizon en attendant un appontement qui déclenche une animation ponctuelle sur les plateformes de stockage. Les routes surdimensionnées, les trains interminables, les montagnes noires du terminal charbonnier, les hangars colorés monumentaux, les empilements de containers et les tapis de transfert qui zèbrent le ciel donnent à cet espace fluvial une dimension qui rend la hauteur d'homme presqu'insignifiante. Cette berge portuaire contraste fortement avec la rive gauche et le port historique de l'Estuaire qu'était Paimboeuf. La rupture d'échelle est saisissante.

Fortement construites et remaniées, les berges de Loire ne laissent que peu de place à la végétation. Cependant, en arrière du bourrelet rivulaire ou au-delà de la façade portuaire subsistent des zones de marais quadrillées par des fossés et canaux et scandées par la silhouette pittoresque, déformée par le vent des tamaris. Sur la rive sud, des boisements de pins soulignent la rive et abritent Paimboeuf. Les prairies de pâture sont le plus souvent soulignées de bandes de roseaux parfois très importantes.

L'architecture est très contrastée sur cette unité : elle varie entre les petites maisons mitoyennes colorées du port de Paimboeuf, alignées le long des quais et les imposants hangars métalliques multicolores de la zone portuaire de Montoir.

Ce sont certainement les infrastructures liées aux activités économiques portuaires qui marquent le plus fortement ce paysage. Véritables plateformes d'échanges entre le transport terrestre et maritime, les terminaux portuaires se distinguent suivant leur vocation qui induit des adaptations fonctionnelles liées aux éléments transportés. Grues, tapis, containers, quais, tuyaux sont agencés sur les quais pour vider ou remplir les cargos qui empruntent le chenal. Au loin, la raffinerie et les torchères portent à son paroxysme l'image d'une rive industrielle.

L'eau porte dans ses courants, ses couleurs, ses irisations, ses vagues et ses remous les caractères à la fois de l'océan et du fleuve. Chenalisée, c'est une eau qui porte et transporte. Elle baigne les quais de toutes les époques et ouvre grand et large la perspective sur l'océan séquencée par les piles du pont. L'eau est dans ce paysage une invitation au voyage qu'il soit vers les terres ou vers l'océan, tout dépend dans quel sens le courant vous porte.